billet du jour
Éthique ou ne pas éthique ?
Alors que la production mondiale de vêtements a doublé entre 2000 et 2015 – et on n’allait déjà pas tout nu en 2000...– et que des montagnes de vêtements parfois à peine portés s’amoncèlent dans de vastes décharges, il est grand temps d’examiner de plus près nos pratiques vestimentaires et textiles. Une bonne chose serait, outre le fait de modérer notre consommation frénétique, d’en savoir plus sur les fibres qui nous habillent, de quoi elles sont faites pour mieux les choisir.
Tout d’abord, tout ce qui constitue la fibre elle-même, avec « Fibres textiles, caractéristiques et propriétés » de Noureddine Baaka, publié aux Éditions universitaires européennes, en 2020, qui s’attache à définir les différentes fibres textiles, de leur composition chimique à leurs propriétés mécaniques et thermiques. De plus , il décrit également les techniques de filature, de tissage, de tricotage et d’ennoblissement. Donc, un ouvrage pas très poétique mais fondamental pour savoir ce qu’on achète.
Outre la fibre elle-même, il est intéressant de connaitre les intrants nécessaires à leur fabrication, les divers produits chimiques utilisés lors étapes nécessaires à la confection du vêtement, les nombreux professionnels qui s’y emploient et leurs conditions d’exercice. Pour cela, rien de mieux que ce livre : « Textiles éthiques, s’habiller un acte engagé » d’Émilie Pouillot-Ferrand, édité par Terre Vivante.

Et pour celles et ceux qui souhaiteraient s’orienter vers les métiers de l’industrie textile, rien de mieux que la petite brochure de l’Onisep, dans la collection Zoom sur les métiers, parue récemment.
Pièce détachée
Pour lire un article sur le bonnet de bain, c’est dans la revue « Pièce détachée » qu’il faut aller. Cet article de sport n’a jamais pu devenir un article de mode contrairement à de nombreuses autres pièces du vestiaire sportif. Est-ce dommage ? en tout cas, c’est un des nombreux couvre-chefs dont traite le quatrième numéro de cette revue annuelle qui entend traiter les vêtements d’un point de vue social, historique, artistique, littéraire, bref culturel dans toutes les acceptions du terme. Ce n’est donc pas une revue de mode, au sens habituel du terme, car elle ne suit pas les aléas des collections. Mais elle développe dans chaque numéro un thème unique. Les numéros précédents traitaient de la chemise, du pantalon, bref, une seule pièce du vestiaire par numéro.

Vos prochains rendez-vous textiles
à Toulouse et dans la région...
Revenantes...
Si on trouve beaucoup d’ouvrages consacrés à l’histoire de la mode et à l’histoire du textile, je n’en ai trouvé aucun qui raconte l’histoire de la mercerie, des merceries et des mercières dont on a cru l’extinction proche, à la fin XXe... mais à partir d’articles épars dans diverses revues, voici ce que l’on peut en dire.
/image%2F0486152%2F20220426%2Fob_9b3680_2022-04-26-commerce-de-tissu-medi.jpg)
« Marchand de tout, faiseur de rien » disait-t’on au Moyen Âge et jusqu’à la Révolution française car les merciers avaient le droit d’acheter et de revendre toutes sortes de marchandises, y compris des porcelaines importées de Chine et d’autres articles d’importation. Ils avaient également le droit « d’enjoliver » des choses fabriquées par d’autres corporations, mais sans avoir le droit de se spécialiser dans aucune matière. C’étaient donc essentiellement des marchands qui très vite se sont orientés vers la quincaillerie, les articles de décoration intérieure et les articles de mode (mouchoirs, articles de bonneterie, garnitures, rubans, accessoires de mode et colifichets en tous genres. L’autre originalité de cette corporation, c’était qu’elle était ouverte aux femmes et aux étrangers.
Toutes ces particularités firent que la mercerie survécut très bien à l’abolition des corporations par la Révolution française. De plus, le développement des industries liées à la mode favorisa son essor tout au long du XIXe siècle ; il n’y avait pas de bourgade ni de petite ville qui n’eut sa mercerie. Sans compter les milliers de colporteurs qui allaient de village en village pour vendre rubans, boutons, aiguilles et autres petits articles de couture à côté de diverses gazettes et images.
/image%2F0486152%2F20220426%2Fob_2c6bf7_2022-04-26-colporteur-external.jpg)
Le premier grand choc que subit cette profession fut la naissance des grands magasins, vers le milieu du XIXe siècle ; ils exerçaient globalement le même métier, mais à une toute autre échelle. L’exemple type est « Au Bon Marché » créé en 1838 à Paris, qui proposait à la bourgeoisie parisienne des articles bien présentés dans un cadre grandiose par un personnel en uniforme.
/image%2F0486152%2F20220426%2Fob_704050_2022-04-26-bon-marche-xternal.jpg)
D’une manière générale, les grands magasins s’adressaient au début de leur histoire à la bourgeoisie des grandes villes. Dans les quartiers populaires, les petites villes, les bourgades, les merceries prospéraient tranquillement et fournissaient les artisans locaux de la confection et les mères de famille en articles de couture, de reprisage, car on réparait beaucoup à domicile.
Après 1918, il y eu de nombreuses créations de merceries – et de commerces de détail en général – par des veuves ou orphelines de guerre qui se sont vues dans l’obligation de gagner leur vie car leur maigre pension de veuve n’y suffisait pas. Ces femmes, souvent issues de la petite bourgeoisie n’avaient bien sûr pas appris de métier mais elles étaient assez instruites pour tenir une comptabilité simple, de plus, elles disposaient d’un savoir-faire en matière de travaux d’aiguilles. On vit alors naitre de nombreuses boutiques mixant mercerie et lingerie féminine.
/image%2F0486152%2F20220426%2Fob_9e19e3_2022-04-26-mercerie-1920-exter.jpg)
Je me souviens fort bien de ces commerçantes souvent assez âgées qui exerçaient encore dans le courant des années 1960, dans leurs boutiques assez sombres à la décoration surannée d’avant-guerre (la deuxième...) comme figées dans le temps. Leurs commerces n’ont jamais attiré les repreneurs mais la fille succédait à la mère, dans un modèle alors assez commun d’entreprise familiale. Ce modèle fonctionna très bien jusqu’aux années 1960.
Contrairement à ce qu’on imagine souvent, les merceries ont été assez peu atteintes par le développement des grandes surfaces – contrairement aux commerces alimentaires – car les grandes surfaces dédaignèrent ce créneau dont la clientèle ne se renouvelait plus et qui nécessitait – et nécessite toujours – beaucoup de main-d’œuvre pour le conseil à la clientèle et pour la découpe des marchandises.
Mais deux phénomènes de grande ampleur se sont cumulés au cours des années 1960-1970. Tout d’abord, les femmes entrèrent massivement dans le monde du travail salarié et rejetèrent tout aussi massivement les travaux d’aiguilles qui avaient été jusque-là plutôt une contrainte qu’un choix personnel. Au même moment, le prêt-à-porter, né après 1950, se développe très fortement jusqu’à devenir le principal moyen de garnir sa garde-robe, au lieu du fait sur mesure par la couturière.
Le déclin des merceries fut très violent : en 1980, il restait encore 6000 merceries en France, (soit à peine la moitié de 1960), il n’y en avait plus que quelques centaines au début du XXIe siècle ; encore couplaient-elles souvent cette activité avec de la retouche pour survivre.
La renaissance s’est amorcée récemment, il y a une dizaine d’années, avec une nouvelle génération de mercières qui n’hésitent pas à s’installer en centre ville où elles bénéficient du rajeunissement considérable de leur clientèle pour qui les travaux d’aiguilles ne sont plus une contrainte mais un goût pour des activités textiles pratiquées à titre de loisir.
De plus, ces nouvelles merceries offrent des services nouveaux dont les très appréciés ateliers, voire un petit coin salon de thé. Les merceries naguère très présentes dans les quartiers populaires sont-elles devenues des boutiques pour bobo ? en tout cas, elles profitent à fond de la vague du DIY. Ce commerce se pratique désormais dans des boutiques lumineuses, où le mot mercerie voisine avec « créative », « dyi ».
Il n’en demeure pas moins vrai que le métier de mercière nécessite de grandes compétences très diversifiées qui s’accordent mal avec l’amateurisme. Les nouvelles mercières ont souvent fait des études de commerce ou de couture, voire les deux. Il y a aussi des reconversions professionnelles, dans ce cas avec un apport financier plus substantiel car l’autre difficulté est d’embarquer un banquier pour un business qui nécessite dès l’ouverture une grande immobilisation de stock et donc de trésorerie, mot bien fâcheux même s’il rime avec mercerie... Dans tous les cas, les débuts sont ingrats et il est rare de dégager tout de suite un revenu correct. Malgré tout cela, il y a de très beaux exemples de ces nouvelles merceries à Toulouse et dans la région.
/image%2F0486152%2F20220429%2Fob_4b4447_2022-04-29-mercerie-external-c.jpg)
En un mot comme en mille : chapeau Mesdames les mercières qui nous fournissez toujours de si beaux articles pour nos loisirs textiles !
Vos prochains rendez-vous textiles
à Toulouse et dans la région...
Pourquoi tant de bibles ?
L’étymologie du mot « bible » vient du grec « biblia », livres. Outre l’acception religieuse de Bible avec une majuscule, bible sans majuscule désigne par extension un livre de référence, qui fait ou veut faire autorité dans son domaine, souvent consulté et destiné à une certaine pérennité.
Pourquoi tant de bibles de tricot ? de crochet ? de broderie ? de couture ? etc. Tout avait pourtant commencé de la façon la plus laïque qui soit avec la merveilleuse et intarissable « Encyclopédie des ouvrages de dames » publiée par Thérèse de Dillmont en 1886, avec un nombre prodigieux de techniques présentées (et pas seulement des techniques occidentales), avec une grande précision des dessins et surtout avec un plan méthodique ; toutes ces qualités, très pédagogiques et novatrices à l’époque, en font un ouvrage toujours d’actualité et d’ailleurs régulièrement réédité. Choisir le mot « encyclopédie » exprimait bien la volonté de placer les « ouvrages de dames » dans le vaste domaine du savoir humain, de les sortir de la relégation des « passe-temps ».
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_71c36f_2022-04-16-encyclopedie-ouvrages.jpg)
Si je m’en tiens à la pile des livres dont je dispose et à une recherche bibliographique rondement menée, il semble bien que les « bibles » nous sont venues du monde anglo-saxon, ces contrées exotiques où chaque chevet de lit compte une Bible. Pour placer le domaine des activités textiles dans le monde du sérieux, il semble que ce soit la référence biblique qui fonctionne le mieux outre-Manche et outre-Atlantique.
En tout cas, les bibles actuellement disponibles en français sont très souvent des traductions de l’anglais comme l’ouvrage de Debbie Bliss ci-dessous. Toutefois, à la différence de la Bible, l’ouvrage est signé par son autrice, même si dans son introduction elle remercie la « communauté du tricot » qui l’a aidée ou inspirée.
On y retrouve certaines les qualités de la grande ancêtre Dillmont, à savoir un plan cohérent et bien construit, des dessins clairs, des photos aussi – même si les dessins sont souvent bien plus faciles à comprendre que les photos pour la raison que le dessinateur élimine tous les éléments parasites. Les explications y sont compréhensibles et bien traduites. Dans cette bible, il est assez peu question de points mais plutôt de l’ensemble des techniques concernant la maille, du choix de la fibre au montage final de l’ouvrage. Une bonne partie du livre est d’ailleurs consacrée aux finitions, point particulièrement douloureux pour beaucoup de tricoteuses débutantes.

Il y a bien d’autres bibles, comme :
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_fe3e2a_2022-0416-la-bible-du-tricot.jpg)
qui reprend certes la tradition biblique de l’anonymat des auteurs... (inspiration divine ? ? ? non ! c’est un collectif dirigé par les Éditions Marie-Claire) et qui s’en tient prudemment à décrire 300 points. Il faut noter au passage que cet ouvrage a de nombreuses qualités formelles, d’abord la classification raisonnée des points par grandes familles, une photographie du point tricoté, des explications rédigées et des schémas très compréhensibles. À mon humble avis, ces deux ouvrages se complètent très bien et devraient tenir une bonne place dans les paniers à ouvrages. À une réserve près... personne n’a jamais pu apprendre à nager en lisant un manuel de natation ni en prenant « Le Grand bain » comme tutoriel... Les livres techniques sont à réserver aux personnes qui ont acquis les bases par la transmission directe de Maitre Jedi à Padawan, ou plus probablement de grand-mère à petite-fille. À défaut de grand-mère ou de Maitre Jedi, il y a Tata Georgette.
Il y a bien sûr des encyclopédies comme « L’Encyclopédie du tricot » de Katharina Buss, dont le titre original en allemand « Das Grosse Ravensburger Strickbuch » n’a rien d’encyclopédique ni de biblique. Mais l’éditeur a jugé que le terme « encyclopédie » était plus approprié pour le marché francophone, sans compter que la traduction littérale « Grand livre de tricot Ravensburger » en ferait un livre invendable en France...
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_553acb_2022-04-16-9782215102274-internet.jpg)
Et cela c’était pour s’en tenir à quelques titres de référence consacrés au tricot. Il en existe aussi pour le crochet, quoique leurs ambitions soient en général plus mesurées...
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_3df71f_2022-04-16-la-bible-du-crochet.jpg)
Ce dernier ouvrage est également une traduction d’un original en anglais...
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_fe037c_2022-04-16-crochet-anglais-exter.jpg)
et aussi une bible éditée par les Éditions Marie-Claire, qui possède les mêmes qualités formelles que la bible du tricot chez le même éditeur :
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_b46430_2022-04-16-ae-crochet-marie-claire-ae.jpg)
On vous promet même d’accéder facilement au paradis des crocheteuses :
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_f4d228_2022-04-16-crochet-facile-1920.jpg)
Pour la broderie et la couture, les bibles sont en général spécialisées sur un domaine... mais alors, est-ce que ce sont encore des bibles ?
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_faf6b7_2022-04-16-broderie-ruban-51zz.jpg)
...
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_fd6e65_2022-04-16-la-bible-de-la-broderie.jpg)
...
/image%2F0486152%2F20220416%2Fob_c3be1c_2022-04-16-couture-deco-97822.jpg)
Il est à noter que de nombreux titres qui se donnent comme propos de faire le tour encyclopédico-biblique d’une technique, qu’ils soient rédigés par des auteurs francophones ou qu’il s’agisse de traductions du japonais, s’en tiennent de façon pragmatique à « Précis de... », « Manuel de... »., « Guide de... », « Les Bases de... ». Bref, sans aucune ambition de sauver le monde.
Joyeuses Pâques ! ! !
Vos prochains rendez-vous textiles
à Toulouse et dans la région...