À fleur de peau
Samedi 22, nous étions reçus par Sylvie Corroler-Talairach à la Fondation Écureuil pour visiter l'exposition Émilie Faïf, plasticienne qui travaille à la jonction des arts et du design, utilise beaucoup avec le textile pour ses sculptures ou ses installations. Par le textile, Émilie Faïf passe du paysage au corps, à l'intérieur du corps même. La fibre respire - non ce n'est pas un argument publicitaire, voyez ce cœur au rythme insoutenable dans une des caves de la Fondation.
La pièce qui m'a le plus plu est la tenture de très grande dimension qui fait d'une coupe anatomique de la peau un paysage poétique en volume, en rondeur. Point de rencontre entre l'extérieur du corps - exposé au rez-de-chaussée - et l'intérieur du corps - exposé au sous-sol, la peau est l'organe du toucher et quelqu'un dans le groupe a dit qu'il est très difficile de ne pas toucher, de tâter le tissu des œuvres exposées, alors que c'est un matériau connu de tous, que nous touchons d'ailleurs constamment, puisque nous en portons tous sur nous. Propos que corrobora notre hôtesse en disant que dans les musées, les galeries d'art, il est assez facile d'interdire de toucher le marbre, les métaux, les toiles peintes, en tout cas, ceux qui le font ne sont pas surpris qu'on les rappelle à l'ordre. Mais pour le tissu, c'est beaucoup plus difficile d'interdire au public de tâter. Y compris pour les personnes qui ne sont pas des intoxiquées graves comme votre servante. Peut-être son omniprésence, la familiarité que nous entretenons avec lui, lui ôte-t-il tout caractère de rareté, de fragilité, alors que c'est un matériau extrêmement difficile à conserver, à préserver de ses multiples agresseurs, dont le contact, le frottement. Peut-être aussi le tissu est-il inconsciemment perçu comme une extension de notre propre peau ? vivant comme elle, respirant comme elle.
En tout cas c'était une visite bien accompagnée, guidée par Sylvie Corroler-Talairach qui par ailleurs donne un cycle de conférences sur l'art contemporain et qui sait si bien rendre l'érudition souriante.
Et l'exposition d'Émilie Faïf est visible jusqu'au 27 décembre.
Tissage
Le tissage fait depuis quelques temps un come-back remarqué dans le monde des loisirs textiles. Le tissage, en tout cas dans sa version de base qui consiste à croiser un fils de chaine et un fils de trame, parait de prime abord plus facile que le tricot ou le crochet. Encore faut-il un peu de matériel.
Fouillez dans les greniers de vos grands-mères hippies des années 60. Vous y trouverez peut-être un métier à tisser. Si vous n'avez pas de grand-mère hippie, ou si celle-ci n'a jamais eu de métier à tisser, et que vous hésitez à vous lancer dans l'acquisition d'un vrai métier à tisser qui prendra un peu de place chez vous, il vous reste la possibilité de commencer à vous initier au tissage en pratiquant le tissage sur carton. Pour tisser des petites pièces. Que l'on peut éventuellement assembler pour fabriquer des étoles, de vêtements.
Voici un livre sympathique pour débuter le tissage : «Le tissage sur carton» pour vous guider étape par étape.
La visite du mois : un coutelier
La sortie du mois a eu lieu vendredi 7 novembre, 18h : chez un coutelier. Hugues Bouterige-Brivady nous a très aimablement reçu dans sa boutique-atelier de la rue Boulbonne.
Il nous a longuement expliqué le monde des ciseaux, outils de couture indispensables dans nos boîtes à couture. Nous avons ainsi appris que les ciseaux ne sont pas deux lames de couteaux qui se croisent. En effet la lame de dessus, bombée vers le haut (la bancale) est légèrement incurvée pour que le point de frottement soit très précis avec la lame du dessous (la camard) en général plus étroite et de forme triangulaire. Donc en plus du tranchant de chaque lame, la qualité du point de jonction entre les deux lames est essentiel. Cette précision est possible si l'axe autour duquel sont articulées les lames n'est ni trop serré ni trop lâche.
De plus, HBB nous a fait voir toute la différence entre des lames forgées et des lames moulées. Actuellement, on trouve surtout des lames moulées, mais elles sont plus difficiles à aiguisées, voire impossibles. Il reste quelques fabricants de ciseaux à lames forgées, dont ceux de la marque Henry, de Nogent. D'ailleurs, HBB préconise de dénicher les ciseaux anciens à lames forgées dans les vide-greniers, car même s'ils sont rouillés, un peu désarticulés, il peut tout à fait les rénover, corriger la courbure de la bancale et l'axe pour en faire des bons ciseaux remis à neuf.
La France a une longue expérience en coutellerie en général, et plus particulièrement pour la fabrication des ciseaux, à Nogent. En Allemagne, la ville spécialisée pour la fabrication des ciseaux est Solingen. On trouve aussi de très beaux ciseaux japonais. Bref un choix très vaste de ciseaux de qualité.
D'une manière générale, pour pratiquer les travaux d'aiguilles, on aura plusieurs paires de ciseaux car la règle (que je clame à chaque atelier) est d'utiliser une paire de ciseaux par usage, pour chaque matériau.
Pour la couture :
- une paire de taille moyenne pour la découpe du tissu,
- une paire pour la découpe du papier, qui est beaucoup plus abrasif que le tissu et qui use donc plus les lames,
- une petite paire de ciseaux à broder, à pointe très fine,
- un coupe-fil.
Si on coupe des tissus épais, une paire de ciseaux de tailleur peut être nécessaire. Ces ciseaux ont de grandes lames assez épaisses.
Pour la maille en général : une petite paire à bouts ronds, de même que si on travaille avec des enfants.
Il est sage de ne pas forcer sur des ciseaux, ni d'essayer de les affuter soi-même, surtout s'il s'agit de lames forgées, mais de les confier à un professionnel.
Pour les gauchers : attention, la plupart des ciseaux de gaucher ont simplement une inversion des boucles pour passer les doigts mais pas d'inversion des lames. En réalité, il faut bien veiller à ce que la bancale passe à gauche et la camard à droite pour que ce soit vraiment des ciseaux de gaucher - comme par exemple ceux de la marque Solingen.
Consigne de sécurité : on présente les ciseaux à une autre personne en les tenant par les lames fermées pour lui présenter les boucles des ciseaux. De même, quand une paire de ciseaux n'est pas en main et occupée à la découpe, les lames sont fermées, les ciseaux posés sur la table, pointe vers le centre de la table. Sinon on prend le risque de transformer la séance de couture en combat d'escrime.
Voilà pour les ciseaux. Il y fut aussi question de couteaux et de diverses lames.
Merci à Hugues Bouterige-Brivady, professionnel passionné qui aime partager son savoir dans sa belle boutique où l'on est sûr d'être bien accueilli.
Novembre gris
Novembre : le mois gris par excellence. Sur le plan de la connotation morale, le gris est la couleur liée au doute, à l'indétermination. C'est aussi la couleur de la brièveté de la vie, de la tristesse, de la monotonie. Le gris, c'est l'élimination du contraste, du clinquant, c'est la couleur de la modestie, de la recherche de la neutralité pour se rendre invisible. C'est souvent une couleur de vêtement professionnel : tailleur gris, escarpins noir, voilà le vêtement d'une secrétaire que l'on suppose dévouée, efficace, discrète, compétente.
Et que dire des mots «grisaille», «grisâtre» ? rien de très flatteur, vraiment. Mais, au fait, le gris, est-ce une couleur ou l'absence de couleur, une non-couleur en quelque sorte, coincée entre le blanc et le noir. Le gris est souvent considéré comme une couleur «neutre», à tort à mon avis , car il y a plusieurs dizaines de nuances de gris : gris ardoise, légèrement bleuté, gris taupe un peu bruni, gris argent presque léger, gris perle, gris souris, etc. D'ailleurs les types de gris varient avec les époques ; au XVIIIe siècle, le gris tourterelle, très poétique, gris taupe ou le gris puce étaient très présents dans les garde-robe. Mais dans notre monde urbanisé, mécanisé, où les puces ne nous harcèlent plus trop, où les taupes ne percent pas (encore) le béton, ce sont plutôt les dénominations «BTP» qui ont pris l'avantage : gris bitume, gris anthracite, gris acier, mastic.
Comme la plupart des couleurs dites «neutres», le gris peut être associé à de nombreuses autres couleurs, mais de là à dire que tout va avec le gris... car selon la façon dont on l'associe à d'autres couleurs, le gris peut être soit terne, soit élégant, affligeant ou joyeux. Le plus prudent est d'avoir un échantillon pour acheter un article de couleur à assortir avec du gris. D'une manière générale, j'apprécie de l'associer à une touche de couleur tonique.
* image de source inconnue.