Innovation textile régionale
Récemment, l'association Pénélopée recevait Richard Rico de l'UIT Sud (Union des industries textile) et Xavier Plo, industriel du Tarn dont l'entreprise est spécialisée dans l'ennoblissement textile, pour nous parler de l'innovation textile, dans notre région.
La filière textile est souvent vue comme une filière vieillissante, en déclin, et il est vrai qu'elle a subi les rudes contrecoups de la mondialisation. De plus la filière textile en Midi-Pyrénées, située sur l'axe Tarn / Toulouse / Ariège, est la plus petite région textile française, en terme d'effectifs. Les 223 entreprises textiles régionales sont plutôt des PME, plutôt implantées en zones rurales ; toutes réunies, elles constituent une filière textile complète, de la filature au textile fini (tissu ou maille). Un point à préciser, avant de continuer, quand on dit «filière textile», on dit production de la fibre et du tissu, mais pas la confection des vêtements.
Avant d'aborder le thème proprement dit de l'innovation, les intervenants ont tout d'abord présenté les spécificités régionales traditionnelles, en particulier l'ennoblissement textile, c'est-à-dire toutes les opérations que subit un textile, entre le moment où il tombe du métier à tisser et sa mise en vente. Ce travail d'ennoblissement se fait en au moins sept étapes pour donner au textile des qualités visuelles, tactiles ou fonctionnelles, par des opérations chimiques et par des opérations physiques. Les principales entreprises d'ennoblissement se trouvent dans le Tarn. Les deux autres grandes spécialités régionales historiques sont la filature de laine cardée pour le tissage, et le fils fantaisie, qui mélange différentes matières, différentes couleurs. Ou encore le tissage et le tricotage, eux aussi bien représentés dans le Tarn.
À ces spécialités déjà anciennes, de nouveaux débouchés locaux suscitent une forte innovation, par exemple pour l'aéronautique (il y du textile dans les ailes d'avion, pas seulement sur les sièges...), pour la santé (production de bio-textiles pour les pansements et les textiles chirurgicaux), pour l'agriculture (voiles de protection des cultures), pour le BTP (isolant, renforcement et allègement des structures). Ces entreprises se développent actuellement en Ariège, autour de Pamiers, Lavelanet.
D'autres spécialités naissent ou se développent pour répondre à un besoin nouveau, comme l'effilochage, qui se développe depuis quelques années, grâce à la récupération des textiles usagés et issus du tri des déchets (ceux que vous avez emballés selon la méthode proposée dans le précédent billet, par exemple). Ce procédé permet de libérer la fibre dans des machines à déchiqueter, après un tri préalable par couleur et par matière pour la réutiliser dans la filière classique habillement-ameublement, ou en vrac si le produit fini est utilisé comme isolant dans le bâtiment.
Innover dans le textile, qu'est-ce que cela signifie concrètement ? La recherche peut porter sur les matériaux, sur les procédés techniques, sur la satisfaction de nouveaux usages.
C'est d'une part le Plan industriel stratégique, plan de développement gouvernemental pour relancer les productions industrielles françaises qui bénéficient d'un savoir-faire de ses ouvriers et ingénieurs. En particulier l'industrie textile fait partie des secteurs mis en avant car elle peut profiter d'une ressource renouvelable. Par exemple, la filière chanvre est relancée dans trois régions françaises, le Nord, l'Alsace et le Midi toulousain. C'est une production végétale locale qui nécessite fort peu d'intrants, qui n'épuise pas les sols. Le chanvre entre désormais dans l'isolation thermique du bâtiment mais aussi à nouveau dans les mélanges de fibres pour l'habillement. L'innovation porte ici essentiellement sur le rouissage, opération par laquelle on débarrasse la fibre de son enveloppe. Un autre domaine d'innovation sur les matériaux : le filage de biopolymère issu du maïs. Ou encore les textiles « intelligents » par exemple pour des usages médicaux, ou encore des textiles « producteurs d'énergie » - (imaginez : vous marchez et en même temps vous rechargez votre téléphone).
De nombreux travaux de recherche portent également sur des opérations techniques : par exemple le montage par soudure et non plus par couture, le thermoformage - (dans quelques années, peut-être disposerez-vous d'un poste de soudure dans les ateliers de Tata Georgette !).
Un autre outil pour développer l'innovation régionale est le Creuset Innovation, un cluster d'une dizaine d'entreprises qui regroupent leurs compétences pour des projets innovants. Par exemple pour le développement d'un fil luminescent (développé par une filature ariégeoise). Un autre exemple : la maille appliquée au bâtiment, à l'aéronautique. Imaginez par exemple les tuyaux, les câbles passant dans des «chaussettes» adaptées à la taille d'un bâtiment.
Tous ces travaux de recherche, toutes ses applications industrielles déjà mises en œuvre dans l'industrie et pour certaines déjà entrées dans notre vie quotidienne sans que nous nous en rendions forcément compte. Tout cela contribue au redressement de la filière textile, tant en nombre d'emplois, qu'en exportations, ou en chiffre d'affaire : le bonheur au bout du fil ! De tout cela, il ressort que le textile déborde largement les domaines traditionnels de la mode et de l'ameublement. En clair, demain, le textile ne servira pas seulement à nous habiller.
En tout cas, nos conférenciers étaient passionnants, très pédagogues, et ont de plus répondu très aimablement à toutes nos questions ; ce compte-rendu ne donne qu'un pâle reflet de leurs très intéressants propos. Merci beaucoup à eux.
Notez dès à présent dans votre agenda que la prochaine conférence organisée par Pénélopée aura lieu le 3 mars : «Design et création textile».
Pour en savoir plus :
http://www.materio.com/
http://www.futurotextiles.com/
http://www.future-shape.com/fr/
http://innovatheque.fr/fr