Pourquoi tant de bibles ?
L’étymologie du mot « bible » vient du grec « biblia », livres. Outre l’acception religieuse de Bible avec une majuscule, bible sans majuscule désigne par extension un livre de référence, qui fait ou veut faire autorité dans son domaine, souvent consulté et destiné à une certaine pérennité.
Pourquoi tant de bibles de tricot ? de crochet ? de broderie ? de couture ? etc. Tout avait pourtant commencé de la façon la plus laïque qui soit avec la merveilleuse et intarissable « Encyclopédie des ouvrages de dames » publiée par Thérèse de Dillmont en 1886, avec un nombre prodigieux de techniques présentées (et pas seulement des techniques occidentales), avec une grande précision des dessins et surtout avec un plan méthodique ; toutes ces qualités, très pédagogiques et novatrices à l’époque, en font un ouvrage toujours d’actualité et d’ailleurs régulièrement réédité. Choisir le mot « encyclopédie » exprimait bien la volonté de placer les « ouvrages de dames » dans le vaste domaine du savoir humain, de les sortir de la relégation des « passe-temps ».
Si je m’en tiens à la pile des livres dont je dispose et à une recherche bibliographique rondement menée, il semble bien que les « bibles » nous sont venues du monde anglo-saxon, ces contrées exotiques où chaque chevet de lit compte une Bible. Pour placer le domaine des activités textiles dans le monde du sérieux, il semble que ce soit la référence biblique qui fonctionne le mieux outre-Manche et outre-Atlantique.
En tout cas, les bibles actuellement disponibles en français sont très souvent des traductions de l’anglais comme l’ouvrage de Debbie Bliss ci-dessous. Toutefois, à la différence de la Bible, l’ouvrage est signé par son autrice, même si dans son introduction elle remercie la « communauté du tricot » qui l’a aidée ou inspirée.
On y retrouve certaines les qualités de la grande ancêtre Dillmont, à savoir un plan cohérent et bien construit, des dessins clairs, des photos aussi – même si les dessins sont souvent bien plus faciles à comprendre que les photos pour la raison que le dessinateur élimine tous les éléments parasites. Les explications y sont compréhensibles et bien traduites. Dans cette bible, il est assez peu question de points mais plutôt de l’ensemble des techniques concernant la maille, du choix de la fibre au montage final de l’ouvrage. Une bonne partie du livre est d’ailleurs consacrée aux finitions, point particulièrement douloureux pour beaucoup de tricoteuses débutantes.
Il y a bien d’autres bibles, comme :
qui reprend certes la tradition biblique de l’anonymat des auteurs... (inspiration divine ? ? ? non ! c’est un collectif dirigé par les Éditions Marie-Claire) et qui s’en tient prudemment à décrire 300 points. Il faut noter au passage que cet ouvrage a de nombreuses qualités formelles, d’abord la classification raisonnée des points par grandes familles, une photographie du point tricoté, des explications rédigées et des schémas très compréhensibles. À mon humble avis, ces deux ouvrages se complètent très bien et devraient tenir une bonne place dans les paniers à ouvrages. À une réserve près... personne n’a jamais pu apprendre à nager en lisant un manuel de natation ni en prenant « Le Grand bain » comme tutoriel... Les livres techniques sont à réserver aux personnes qui ont acquis les bases par la transmission directe de Maitre Jedi à Padawan, ou plus probablement de grand-mère à petite-fille. À défaut de grand-mère ou de Maitre Jedi, il y a Tata Georgette.
Il y a bien sûr des encyclopédies comme « L’Encyclopédie du tricot » de Katharina Buss, dont le titre original en allemand « Das Grosse Ravensburger Strickbuch » n’a rien d’encyclopédique ni de biblique. Mais l’éditeur a jugé que le terme « encyclopédie » était plus approprié pour le marché francophone, sans compter que la traduction littérale « Grand livre de tricot Ravensburger » en ferait un livre invendable en France...
Et cela c’était pour s’en tenir à quelques titres de référence consacrés au tricot. Il en existe aussi pour le crochet, quoique leurs ambitions soient en général plus mesurées...
Ce dernier ouvrage est également une traduction d’un original en anglais...
et aussi une bible éditée par les Éditions Marie-Claire, qui possède les mêmes qualités formelles que la bible du tricot chez le même éditeur :
On vous promet même d’accéder facilement au paradis des crocheteuses :
Pour la broderie et la couture, les bibles sont en général spécialisées sur un domaine... mais alors, est-ce que ce sont encore des bibles ?
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Il est à noter que de nombreux titres qui se donnent comme propos de faire le tour encyclopédico-biblique d’une technique, qu’ils soient rédigés par des auteurs francophones ou qu’il s’agisse de traductions du japonais, s’en tiennent de façon pragmatique à « Précis de... », « Manuel de... »., « Guide de... », « Les Bases de... ». Bref, sans aucune ambition de sauver le monde.
Joyeuses Pâques ! ! !
Vos prochains rendez-vous textiles
à Toulouse et dans la région...