Cheveux tissés
16 Février 2021 , Rédigé par Tata Georgette Publié dans #Billet du jour, #Fibres à la folie
«Nœud après nœud, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés - et pourtant l'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle. Mais, malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui [...]»
Ainsi commence le roman «Des milliards de tapis de cheveux» qui raconte comment sur une planète assez peu hospitalière perdure l'étrange coutume très ancienne qui consiste à tisser des tapis de cheveux pour les offrir à un empereur lointain. Finesse des cheveux, lenteur du travail, c'est un récit très poétique... Ce roman publié en 1995 a valu à Andreas Eschbach, auteur de science-fiction allemand, une renommée internationale dès sa parution.
Connaissait-il, lorsqu'il a rédigé ce roman les capes qui dans le nord
de la Chine, jusqu'au début de XXe siècle, étaient faites d'un feutre mêlant laine de mouton, de yack et de cheveux humains, plus précisément les cheveux des femmes qui plusieurs fois par jour brossaient leur chevelure épaisse et offraient à leur époux, à leur père, les cheveux ainsi récoltés. Le feutrage très serré que celui-ci confectionnait offrait une étanchéité quasiment parfaite, sous ce climat froid. Et bien sûr, les hommes qui portaient ce style de cape affichaient ainsi leur statut social et leur richesse. Pas assez fous, en tout cas, pour offrir leur cape à quelque empereur que ce soit... Ces capes ont été photographiées dans le catalogue «Cheveux chéris» du Musée du Quai Branly, lors de l'exposition du même nom en 2012 (page 119 et suivantes). Malheureusement, je n'ai pas trouvé de photographie de ces capes qui puisse être publiée dans ce blog.
Le cheveu, fibre assez répandue, se prête à beaucoup d'usages différents. Ce qui se rapproche le plus des pratiques textiles évoquées dans le roman d'Andreas Eschbach, c'est le travail d'Antonin Mongin, à regarder dans la vidéo ci-dessous. Ou encore le travail de broderie de l'artiste Daniella de Moura qui utilise le cheveu comme fibre privilégiée.
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