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Tata-Georgette

Sonia Delaunay : les couleurs de l'abstraction

30 Janvier 2015 , Rédigé par Tata Georgette Publié dans #Art textile, #Lectures textiles, #Billet du jour

Couverture de lit d'enfant

Couverture de lit d'enfant

Costume de Cléopâtre, pour les Ballets russes

Costume de Cléopâtre, pour les Ballets russes

Sonia Delaunay, originaire d'Ukraine où elle n'est plus retournée après 1909, est arrivée en France après un passage en Allemagne où elle rencontra Kandinsky, au début du XXe siècle et a construit à Paris une œuvre multiforme et très dense.

Sa vie mouvementée lui fit côtoyer les artistes majeurs de son époque, les mouvements nouveaux, comme les fauves qui traitaient les couleurs primaires en larges aplats cernés de noir, avec des contrastes puissants et supprimaient la perspective géométrique, puis les cubistes qui privilégiaient la forme sur la couleur.

À son retour du Portugal et d'Espagne où elle passa la Première guerre mondiale, elle confectionna une couverture pour le lit de son fils avec des bouts de tissus, autrement dit un patchwork de pièces géométriques animées d'un jeu de courbes et de rectangles. Cette couverture est aussi sa première œuvre textile. Sur cette couverture, on retrouve les thèmes majeurs de son travail à venir avec la couleur brute traitée en larges aplats, des formes simples, géométriques mises en mouvement par un jeu de courbes et de rythmes.

Puis Diaghilev fit appel à elle pour réaliser les costumes des Ballets russes, et à son mari Robert Delaunay pour les décors. À ce propos, la collaboration conjugale du couple Delaunay était très originale puisque chacun y poursuivait son œuvre personnelle tout en travaillant des thèmes décidés conjointement. Par exemple, dans le costume de Cléopâtre, on retrouve la forme géométrique du cercle, très présente dans leur peinture, cercle inspiré du soleil, du disque des couleurs de Chevreul. Du costume de scène, elle passa à la mode en créant, pour les nombreuses soirées parisiennes auxquelles participaient les Delaunay, ses propres robes qui associaient la forme au mouvement, en particulier pour danser. Et toujours la couleur, intense, radieuse. Avec son souci constant de mettre de l'art dans tout, en particulier dans la mode, elle créa des modèles confortables, bien dessinés, très colorés qui suscitèrent un vif intérêt auprès d'une clientèle fortunée. Afin de satisfaire cette clientèle, elle ouvrit une boutique de mode où elle pratiqua de nombreuses techniques textiles : couture, maille (avec notamment la production de maillots de bain, vêtements nouveaux pour lesquels tout restait à inventer), impression sur étoffes, tapisserie, broderie. Au cours des années 1920, des soyeux lyonnais firent appel à elle pour créer des imprimés sur soie pour l'ameublement et le vêtement. Tout son travail pour l'industrie textile est remarquablement bien documenté dans ses carnets de travail qu'elle tenait à jour avec grand soin. Depuis, ses œuvres textiles, qui ont profondément marqué la mode, ont été largement détournées, copiées. Sans compter qu'elles sont une source d'inspiration toujours d'actualité pour de nombreux designers textiles et couturiers. Une nouvelle boutique «Sonia Delaunay» a été créé récemment par une de ses lointaines parentes, où on retrouve des imprimés. S'agira-t-il uniquement de rééditions ou de nouvelles créations ? je ne sais pas. En tout cas, elle reprend le flambeau de la première boutique que Sonia Delaunay avait fermé en 1930.

Réduire Sonia Delaunay à ses seules créations textiles est très réducteur car elle produisit une œuvre picturale importante qui influença de nombreux peintres du XXe siècle : Mondrian, Léger, Jasper Johns, ou encore Vasarely, par exemple. Par ailleurs, elle intervint dans de nombreux autres arts appliqués : la reliure et la création de livres-objets, la publicité avec des créations d'affiche ou encore avec un industriel produisant des néons, la décoration intérieure, des peintures murales à l'occasion de l'Exposition internationale de 1937, et même la décoration d'automobiles... dispersion que certains lui ont reproché, car cela aurait limité sa production picturale et proprement «ÂÂÂÀRtiSSSStiquEEEE». Sonia Delaunay a eu une carrière très longue, puisqu'elle produisit jusque dans les années 1960, prolifique, extrêmement dense qui en fit une cheffe de fil de l'abstraction, mais d'une abstraction vivante, vibrante, dynamique, chaleureuse.

Ce billet a été rédigé à partir des quelques notes prises lors de la conférence donnée le mardi 20 janvier, à la Salle du Sénéchal «Sonia Delaunay : les couleurs de l'abstraction» par Céline Laurière*, à l'occasion de l'exposition du Musée d'art moderne de Paris qui présente en ce moment plus de 400 œuvres de la peintre Sonia Delaunay. Peut-être un regret par rapport à la conférence, j'aurais apprécié quelques éclaircissements sur les liens avec le Bauhaus et avec le constructivisme russe. Mais la conférence était déjà très intéressante et nous a tenu en haleine quasiment deux heures avec un grand talent.

* Céline Laurière, qui est guide-conférencière à la Fondation Bemberg, est une conférencière «à suivre».

Bibliographie :

Sonia Delaunay : catalogue d'exposition - Musée d'art moderne, 2014

Sonia Delaunay : sa mode, ses tableaux, ses tissus - par Cécile Godefroy - Flammarion, 2014 -

Sonia Delaunay, mode et tissus imprimés - Paris, Jacques Damase,‎ 1991 - 176 p. - ISBN 2-904632-34-4

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