Naissance
15 Décembre 2014 , Rédigé par Tata Georgette
Nous avions eu l'occasion, récemment, de voir la place importante que tenait la représentation du corps dans les œuvres textiles d'artistes contemporains, en particulier des organes internes.
Le textile fut aussi le matériau choisi par Marie-Angélique du Coudray, au XVIIIe siècle pour enseigner l'art d'accoucher aux sages-femmes, au cours des vingt-trois années pendant lesquelles elle sillonna la France, entre 1759 et 1783. Cette sage-femme aux remarquables talents de pédagogue savait très bien que son livre «Abrégé de l'Art des accouchements» ne serait jamais lu par les sages-femmes de campagne, quasiment toutes analphabètes. Elles étaient en effet recrutées sur des critères de moralité, d'observance religieuse - il importait en effet qu'elles fussent de bonnes catholiques - mais n'avaient jamais reçu la moindre formation professionnelle ni scientifique, même si à cette époque apparaissait la nécessité de leur dispenser une formation. Mais que leur enseignerait-on exactement ? car il faut observer qu'au milieu du XVIIIe siècle, les médecins commençaient tout juste à s'intéresser à tout ce qui concernait l'accouchement qu'ils considéraient encore largement comme «l'opération la plus dégoûtante de la chirurgie».
Il fallait donc créer un enseignement pratique, fondé quasiment uniquement sur le touché, en plus de la transmission orale. C'est ce que proposa Madame du Coudray. La formation durait deux mois pendant lesquels les sages-femmes, mais aussi les chirurgiens tout aussi ignorants en matière d'obstétrique, apprenaient par la manipulation concrète des mannequins de tissu conçus et réalisés par Marie-Angélique du Coudray les différentes configurations de l'accouchement : normal, présentation latérale ou siège, jumeaux, enfants mal formés, etc. L'emploi de textile apportait ce qu'il fallait de souplesse, d'élasticité, à ces différents bébés ainsi qu'au bassin féminin dont l'anatomie était scrupuleusement reconstituée, y compris des bassins mal-conformés auxquelles pouvaient être confrontées les sages-femmes, une fois retournées dans leurs villages.
Ces mannequins textiles, dont il ne reste qu'un seul exemplaire, ont très fortement contribué à faire baisser la mortalité infantile en France, ainsi que la mortalité des femmes en couche ou encore le nombre d'estropié·e·s par ce «massacre des innocents». Pourquoi n'y-a-il pas plus de rues portant le nom de Marie-Angélique du Coudray dans nos villes ?
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