Made in... à la maison
27 Février 2014 , Rédigé par Tata Georgette Publié dans #Atelier, #Billet du jour
Les vêtements ont fait partie des premiers objets mondialisés, depuis quasiment l’Antiquité, avec l’arrivée des tissus de soie en Europe, il s’agissait alors d’articles de très grand luxe. Ou encore un peu plus tard avec l’importation de colorants comme la cochenille venue du Mexique, l’indigo venu d’Asie, ou encore le coton ; tous ces articles arrivent massivement en Europe à partir du XVIe siècle.
Il s’agissait alors d’importer des matières premières qui étaient travaillées ensuite en Europe, notamment à Manchester, première ville cotonnière du monde au XIXe siècle, alors que le coton pousse à bonne distance des cottages anglais.
Puis nous nous sommes habitués à importer des articles semi-finis, puis complètement finis, au fur et à mesure que l’écart grandissait entre le coût du travail européen et le coût du travail des pays dits «émergents». La plus récente étape de ce processus étant constitué par les délocalisations massives depuis la fin des années 1980. Avec comme corolaire des prix d’achat devenus tout riquiqui dans les innombrables boutiques de pàp (prêt à porter).
Le slogan selon lequel il serait préférable d’acheter du «made in France» est probablement assez illusoire dans beaucoup de cas puisqu’il suffit qu’au moins 50% de la valeur ajoutée d’un article textile ait été produite en France. Ce qui peut vouloir dire que le tee-shirt a été fabriqué dans atelier asiatique pour le coût de 2€ (matière première et travail) par exemple, et l’étiquette cousue en France pour un coût de 2,05€ comprenant la fourniture de l’étiquette, le salaire horaire de l’ouvrière qui a cousu l’étiquette, du manutentionnaire qui a conditionné le vêtement, et voili-voilou, le tour est joué, c'est du «made in France». On voit désormais sur certains vêtements : «Fabriqué à ailleurs, conçu en France», ce qui est flatteur pour notre égo national de savoir que nous avons toujours des idées.
Et la couture à la maison, me direz-vous ? Même, si on coud soi-même ses vêtements, c’est le plus souvent maintenant en utilisant des tissus «made in loin d'ici». Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une relocalisation assez radicale et que le vêtement ainsi réalisé a une toute autre valeur, pas seulement liée au prix, mais au savoir-faire que l’on y a investi, au temps que l’on y a passé, au plaisir d’avoir réalisé quelque chose de concret.
C’est probablement ce besoin de réalisation personnelle, plus que le souci de faire des économies qui ramène de nombreuses personnes vers les travaux d’aiguilles, en particulier de nombreuses jeunes femmes à la recherche d’une activité qui valorise leur savoir-faire, leur goût. Du «made in à la maison» en quelque sorte, pas pour rivaliser avec les ouvriers bengalis ou chinois, mais comme une reconquête personnelle de notre plus proche abri, le vêtement.
Selon Hélène Fourneau de l'Institut français de la mode, lors d'un récent colloque, 11% des consommatrices fabriqueraient (entièrement ou partiellement) une partie de leurs vêtements. Il s'agit là d'un retour vers un textile «durable» dont témoigne également Élisabeth Laville en posant la question du rapport entre mode et développement durable.
La couture «made in chez soi» participe aussi, modestement, à l'émergence du mouvement «slow fashion», avec comme slogan revendiqué «moins mais mieux» pour échapper à l'achat d'impulsion et trouver d'autres plaisirs que l'accumulation.
Bref ce billet n’est pas un manifeste politique, Tata Georgette n’appelle pas au boycott de l’industrie textile mondialisée, Tata Georgette n’a pas non plus de grande pétition à vous proposer, il s’agit plutôt d’une réflexion sur ce qui motive la constitution de notre garde-robe. Qu'est-ce qui nous donne du plaisir ? avoir des monceaux de vêtements à des prix ultra-compétitifs ? ou avoir des vêtements vraiment personnels à nuls autres pareils ? posséder ou savoir-faire ?
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